lundi 1 février 2010

Il est facile de pratiquer l’islam aux Etats-Unis

Selon Salam al-Marayati, directeur du Muslim Public Affairs Council, un groupe de réflexion de Los Angeles, les musulmans sont bien intégrés en Amérique. Bilan 8 ans après les attentats du 11 septembre
Un peu plus de huit ans après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, où en sont les musulmans américains? Peu après l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center de New York, la communauté musulmane avait subi de plein fouet la politique sécuritaire renforcée de la Maison-Blanche. De passage à Genève, Salam al-Marayati est directeur du Muslim Public Affairs Council à Los Angeles. A la tête de ce groupe de réflexion dont la mission est d’informer le public sur la communauté musulmane et de contribuer à son intégration dans la société américaine, il dresse un état des lieux.
Le Temps: Huit ans après les attentats du 11 septembre 2001, comment se porte la communauté musulmane des Etats-Unis?
Salam al-Marayati: Après le 11 septembre, l’image que les Américains avaient de l’islam était pleine de stéréotypes. Les Américains de confession musulmane ont dû fournir un gros effort d’explication pour combattre l’islamophobie. Aujourd’hui, on constate de gros progrès dans plusieurs domaines.
– Les musulmans ont-ils une identité américaine?
– C’est la pierre angulaire de notre travail. Nous devons expliquer aussi bien à la communauté musulmane qu’au public en général que notre patrie, ce sont les Etats-Unis. Et que c’est dans le cadre des Etats-Unis que nous avons des opportunités, mais aussi des défis à relever. Les musulmans sont toujours considérés comme une communauté suspecte depuis 2001. Ils vivent mal le fait de devoir toujours prouver leur innocence avant de pouvoir entreprendre quelque chose.
– D’où viennent les musulmans des Etats-Unis?
– 40% d’entre eux sont des Afro-Américains, 25% proviennent d’Asie du Sud, entre 10 et 15% du Moyen-Orient. Aux Etats-Unis, ils ne représentent que 2% de la population.
– En Europe, on parle de deux modèles d’intégration, britannique et français. Et aux Etats-Unis?
– Aux Etats-Unis, affirmer son identité religieuse constitue un pas positif vers une intégration plus large dans la société. Le travail d’intégration basé sur les communautés religieuses y est encouragé. En Europe, c’est l’inverse. Il faut d’abord s’assimiler pour faire partie de la société avant de chercher à développer son identité religieuse. L’identité islamique est diluée. D’où le sentiment qu’il est plus facile de pratiquer l’islam aux Etats-Unis qu’en Europe.
– Les musulmans aux Etats-Unis se reconnaissent-ils dans des causes comme la Palestine?
– Il est normal que des musulmans se sentent concernés par des cas de violations des droits de l’homme qui touchent d’autres musulmans. Ils peuvent parfois se sentir aliénés par la politique menée par la Maison-Blanche.
– Entre l’Europe et les Etats-Unis, voyez-vous d’autres différences?
– Aux Etats-Unis, les musulmans sont très bien intégrés. Ils font plutôt partie de la classe moyenne. Ils sont au-dessus de la moyenne en termes de revenus et d’éducation. Dans les années 1960 et 1970, les musulmans qui ont émigré aux Etats-Unis étaient surtout des médecins et des ingénieurs. Il y a quelques années, on comptait une poignée de staffers (personnel à disposition des membres du Congrès) musulmans à Capitol Hill. Ils sont maintenant 150. Politiquement, les musulmans sont peut-être mieux représentés dans les parlements européens que dans les législatifs américains, mais culturellement et socialement, ils sont mieux intégrés aux Etats-Unis.
– Le tableau semble idéal…
– J’apporterais une nuance. Les jeunes musulmans aux Etats-Unis subissent davantage la concurrence, disent ne pas avoir les mêmes chances et souffrir de discrimination pour obtenir un emploi.
– Que dire des cinq musulmans américains arrêtés au Pakistan, soupçonnés d’activité terroriste…
– Les cinq jeunes de Virginie ont provoqué une vive inquiétude au sein de la communauté. Ce sont leurs parents qui ont alerté les autorités, car ils étaient préoccupés par la santé de leurs enfants. Cet exemple, comme celui de la tuerie de Fort Hood, montre qu’il faut combattre le radicalisme avec l’aide des parents et des amis. Il faut faire parler des musulmans modérés qui avancent des arguments clairs contre Al-Qaida. Mais il n’y a pas que des jeunes musulmans qui se rallient à des groupes extrémistes, à des bandes. On connaît le phénomène des gangs dans les banlieues.
– Avec l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche, dont le père était musulman, les choses ont-elles changé?
– Son message au monde musulman a bien passé. Il a relevé que l’islam faisait partie intégrante des Etats-Unis. Mais George W. Bush a aussi fait des efforts en rencontrant des leaders musulmans.
– Le débat sur le voile est toujours vif en Europe. Et en Amérique?
– Nous devrions cesser d’utiliser le voile comme un ballon de football politique. Si une femme veut le mettre pour manifester sa modestie, c’est son droit. Le voile doit être un choix personnel et aucun homme ne doit pouvoir en imposer le port. Le gouvernement américain défendra les femmes dont on violerait le droit de porter le voile.
– L’intellectuel genevois Tariq Ramadan est autorisé à se rendre à nouveau aux Etats-Unis. Un signe?
– Les musulmans américains sont très contents et espèrent qu’il viendra leur parler. C’est un penseur moderne du monde musulman. Plusieurs universités souhaitent l’engager comme professeur.
– A Genève, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, les pays musulmans ont poussé à l’adoption d’un texte contre la diffamation des religions. Qu’en pensez-vous?
– Introduire une telle législation est de nature à accroître les tensions entre musulmans et Occidentaux. Il faut combattre les abus, mais les lois actuelles offrent déjà les instruments pour le faire.
Source
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire