mardi 12 avril 2011

Princesse Adelah d’Arabie Saoudite : «Les événements dans les pays voisins nous encouragent dans la voie des réformes»



Des Saoudiennes dans une librairie internationale. NDLR : La princesse Adela refuse d'être prise en photo "par respect pour sa famille".
Des Saoudiennes dans une librairie internationale. NDLR : La princesse Adela refuse d'être prise en photo "par respect pour sa famille".
Reuters/Fahad Shadeed
Par Clarence Rodriguez
Rares sont les entretiens que la Princesse Adelah, fille préférée du roi Abdallah, accorde à la presse, occidentale ou arabe. Cette femme au port altier, de 48 ans, mère de 5 enfants, joue un rôle prépondérant aux côtés de son père, mais aussi en faveur des femmes saoudiennes. Elle est d’ailleurs adulée par tout un peuple. Clarence Rodriguez, notre correspondante à Riyad, l’a rencontrée chez elle. Il est question de politique, de femmes et de son père le roi Abdallah. Dans un contexte régional agité, elle est la seule personne issue de la famille royale saoudienne à s’exprimer ouvertement.
 RFI : Pensez-vous qu'il soit désormais urgent de procéder à des réformes politiques en Arabie Saoudite, pour préserver la stabilité dans le pays ?
 S.A.R Princesse Adelah bint Abdallah bin Abdelaziz Al Saoud : Oui bien sûr et l’Arabie Saoudite travaille à ces réformes depuis ces dix dernières années. Ce n’est donc pas nouveau pour nous. Mais le changement doit prendre son temps. Nous y travaillons dur. Bien sûr, les événements en cours dans les pays voisins et l’instabilité qui en résulte nous inquiètent. Cela nous encourage dans la voie des réformes et que ces dernières soient encore plus solides et rapides mais je souhaite que tout se passe dans le calme afin d’atteindre nos objectifs de manière intelligente et constructive.
 
RFI : Le roi Abdallah a injecté près de 140 milliards de dollars dans les domaines du logement, lutte contre le chômage, éducation … Pensez-vous que c'est un geste qui peut suffire à calmer la population dans l’attente de « vraies » réformes politiques ?

Princesse Adelah : Selon moi, tous ces éléments interagissent. Les réformes politiques sont à prendre en considération tout comme les problèmes liés au chômage, les problèmes sociaux que connaît le pays. Ces initiatives sont une réponse à ces problèmes mais cela ne mettra pas de frein aux réformes politiques auxquelles le pays aspire et j’espère que le gouvernement et les citoyens feront le maximum pour que ces réformes soient entreprises de la manière la plus constructive possible.
 
RFI : Quel est votre regard sur les révoltes qui affectent le monde arabe actuellement ?

Princesse Adelah : Cela me touche beaucoup. Je crois que le monde arabe a besoin de stabilité, de prospérité, et d’utiliser ses ressources du mieux possible pour son développement, pour la médecine, pour la santé, pour l’éducation, plutôt que pour la guerre.

 RFI : Les prochaines élections municipales en Arabie Saoudite se tiendront le 22 septembre prochain et les femmes en sont de nouveau exclues. Croyez-vous vraiment que les autorités saoudiennes ne sont pas encore prêtes à laisser les femmes exprimer leurs opinions ? Que manque-t-il aux femmes saoudiennes pour pouvoir bénéficier d’une légitimité totale sur la scène sociale ? 

Princesse Adelah : Je suis certaine que les autorités saoudiennes décideront en temps opportun de prendre en considération les opinions des femmes saoudiennes éduquées qui souhaitent servir leur pays. Cela passera par le droit de vote pour les femmes ainsi que leur nomination au sein des conseils municipaux. Depuis que l’on a donné aux femmes les mêmes opportunités qu’aux hommes dans d’autres élections telles que très récemment celles du Hajj Mutawa Establishement de La Mecque, des Chambres de commerce et de l'industrie, des Commissions professionnelles des entrepreneurs, des architectes ou encore des médias, les femmes sont invitées à contribuer au développement de la société dans certains domaines où elles jouent souvent des rôles importants et sont parties prenantes aux décisions telles que dans les domaines de la médecine, de l’éducation et du commerce.
 

Dans un supermarché à Jeddah en Arabie Saoudite, le 2 novembre 2010.
AFP/Amer Hilabi
RFI : Comprenez-vous que certaines femmes militantes puissent être déçues que cette tendance ne se généralise pas ?

Princesse Adelah : Oui. Les femmes ne peuvent voter ou être élues que dans le cadre de certaines élections pour l’instant mais nous souhaitons que cette possibilité s’étende à tous les domaines.
 
RFI : Apparemment les femmes saoudiennes souhaiteraient se débarrasser de leur tuteur, qui les empêche selon elles de travailler, de voyager, de vivre tout simplement. Vous les comprenez ? Vous les entendez ?

Princesse Adelah : Dans une certaine mesure je les comprends. Le gouvernement a déjà mis fin à bon nombre de ces dispositions légales. Il y a quelques années, les femmes ne pouvaient pas se rendre dans un hôtel seules. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, elles peuvent prendre une chambre d’hôtel sans autorisation écrite de leur tuteur légal. Avant les femmes ne pouvaient pas obtenir de documents d’identité seules, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Avant une femme ne pouvait demander la délivrance d’un certificat de naissance pour ses enfants sans l’accord du père des enfants, la procédure a également changé. Beaucoup de changements ont été apportés à ce système de tutorat. Même à l’hôpital, une femme n’a pas besoin d’un tuteur pour être autorisée à subir une opération. Il y a encore quelques restrictions mais le gouvernement y travaille et je suis convaincue que les femmes pourront évoluer plus librement et plus sereinement. Les femmes sont déjà beaucoup plus libres de leurs mouvements et cela va encore s’améliorer. 
 
RFI : Dans d’autres pays du Golfe, les femmes semblent bénéficier de plus de droits que les femmes saoudiennes. Que manque-t-il aux femmes saoudiennes ?

Princesse Adelah : Le contexte est différent dans chaque pays mais l’Arabie Saoudite donne le même droit à l’éducation et à la formation aux hommes et aux femmes. Il s’agit même du pilier de notre développement. Les dernières statistiques montrent que 60% des diplômés universitaires sont des femmes, ce qui est un indicateur majeur du sérieux avec lequel le gouvernement souhaite impliquer davantage les femmes dans le développement de notre société. De plus les femmes reçoivent aussi bien au niveau national qu’au niveau international de nombreux prix dans les domaines des sciences, de la recherche, des études sociales et humaines, de l’entreprenariat, etc. Les femmes saoudiennes excellent même dans des secteurs non-traditionnels comme par exemple, cette femme chercheur qui a reçu dernièrement un prix des Nations unies pour la gestion de l’eau, devenant ainsi le premier chercheur arabe à recevoir un prix international dans le domaine scientifique.

Ces dernières années, les femmes bénéficient de davantage d’opportunités pour travailler dans des secteurs de la vie publique qui n’étaient réservés qu’aux hommes auparavant comme le droit, l’ingénierie ou le tourisme. Je ne veux pas dire que la vie est un long fleuve tranquille pour les femmes en Arabie Saoudite et qu’elles ne sont pas confrontées à d’importants défis ni qu’elles ont déjà atteint leurs objectifs et satisfait leurs ambitions. Nous sommes un «  jeune » pays « vieux » de 80 ans seulement, et l’éducation pour les filles est officielle depuis 50 ans. Il faut reconnaître les progrès dont bénéficient les femmes grâce au gouvernement et aux hommes, et continuer de travailler avec acharnement afin que cela se poursuive et permette aux femmes d’atteindre des fonctions à responsabilités dans tous les domaines pour que notre pays jouisse d’un développement durable et équilibre.

RFI : Est-ce que le roi entend leurs revendications, aussi bien celle des femmes que des libéraux ?

Princesse Adelah : Je crois qu’il faut toujours trouver un certain équilibre. Certains sont très ouverts et veulent le changement, et à l’autre extrême, nous avons des conservateurs. Comme nous disons en Arabe, il faut “tenir le bâton au milieu” et cela nous aidera à adopter une approche équilibrée qui puisse satisfaire un maximum de citoyens. Nous sommes plus de 17 millions et nous ne partageons évidemment pas tous les mêmes idées, c’est pourquoi le gouvernement se doit d’entendre les différentes voix qui s’élèvent et trouver un équilibre pour ne garder que le meilleur.
 
Le roi Abdallah avait été admis dans un hôpital de Ryad le 19 novembre 2010.
REUTERS/Saudi Press Agency/Handout
RFI : Votre père a souffert du dos, vous vous êtes rendue à son chevet aux Etats-Unis, vous êtes sa fille, est-ce que vous avez eu peur de le perdre ?


Princesse Adelah : Nous musulmans sommes très conscients que personne n’est éternel. Je n’aime toutefois pas particulièrement penser à la mort et j’étais particulièrement inquiète lorsque mon père était souffrant. Grâce à Dieu, il s’est remis très rapidement évitant ainsi à la population comme à sa famille de trop s’inquiéter. Personnellement, je ne pouvais imaginer perdre la personne avec qui j’avais partagé tant de choses, d’expériences, de connaissances, ce père qui m’avait guidée et avait pris soin de moi.
 
RFI : Comment va-t-il ?

Princesse Adelah : Il va beaucoup mieux. Il continue sa rééducation, sa physiothérapie et il fait de beaux progrès. 
 
RFI : Depuis son retour, le voyez-vous souvent ?

Princesse Adelah : Oui, je le vois souvent. On essaie de rattraper le temps perdu. Grâce à Dieu, c’est un homme fort qui rassure tous ceux qui l’entourent.
 
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