Iftar en l’honneur des ambassadeurs des États membres de l’Organisation de la coopération islamique - Discours de Laurent Fabius (23.07.12)
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Messieurs les Présidents, chers amis,
C’est pour moi un honneur et un plaisir de vous recevoir ici, au Quai d’Orsay, à l’occasion de cet Iftar. Il s’agit d’une pratique que j’ai souhaité reprendre, après une interruption de quelques années, car elle permet à la France de marquer, en ce début de Ramadan, notre intérêt et notre estime pour le monde musulman.
1) La France est, chacun le sait, une République laïque. Cela n’est pas contradictoire avec le fait qu’elle éprouve respect et considération pour l’islam et pour les musulmans, bien au contraire.
Je veux saluer en l’islam une grande religion de l’humanité, une religion qui enseigne la paix, la fraternité et la spiritualité.
Je salue aussi en l’islam la seconde religion de France. Nous avons des relations anciennes et étroites marquées par une longue proximité. C’est une réalité humaine, sociale, économique, intellectuelle que nous n’oublions pas.
2) La France est une République laïque, disais-je, mais la laïcité n’est pas hostile aux religions. Elle fournit le cadre partagé pour la coexistence des différentes expressions religieuses, ou leur absence, et pour le libre exercice des cultes.
L’Etat laïc ne soutient, en effet, aucune religion et n’en désavantage aucune. Il respecte les croyances et il sait que la liberté de religion et de conviction est au cœur des libertés publiques. J’ajoute que la laïcité est un principe d’avenir dans un monde où la diversité des croyances et des références spirituelles va aller en s’accroissant.
Je n’ignore pas que la laïcité est quelquefois détournée et transformée en principe d’exclusion. Mais c’est un contresens. Le gouvernement appliquera à la lettre la laïcité et condamnera toute instrumentalisation, notamment comme justification du rejet de l’islam. Il veille et veillera à ne pas stigmatiser les musulmans de France. Il leur témoigne le respect qui est dû à tous les citoyens de la République.
3) Ce message, je l’adresse notamment aux représentants de l’islam de France, en particulier M. Mohammed Moussaoui, Président du Conseil français du culte musulman, et M. Dalil Boubakeur, Recteur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris.
L’émergence d’une structure unifiée représentant les musulmans pour aborder les questions de culte a constitué un progrès. Le gouvernement souhaite que toutes ses composantes puissent travailler ensemble avec les pouvoirs publics pour apporter aux croyants le cadre leur permettant de pratiquer leur religion dans de bonnes conditions. Pour lutter contre les formes de repli ou l’extrémisme, il faut un islam adapté aux réalités des musulmans de France, qui ne souhaitent que leur pleine intégration au sein de notre société. Le ministère des Affaires étrangères est, bien sûr, prêt à vous aider à traiter les dossiers internationaux de l’islam de France.
4) Au niveau international, la France entretient de longue date des rapports avec le monde islamique, en Méditerranée, en Afrique, en Europe et en Asie. C’est pourquoi nous avons décidé derenforcer encore nos relations d’amitié et de coopération avec l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et ses membres qui sont représentés ici.
Nous sommes attentifs aux mutations qui affectent le monde musulman, riche de plus d’un milliard de femmes et d’hommes, bouleversements qui interviennent souvent dans notre voisinage immédiat. Nous pensons en cet instant au drame syrien, avec son cortège de victimes, ainsi qu’à ses conséquences sur les pays voisins, dont nous souhaitons la solution la plus rapide possible. Nous apprécions le rôle de l’OCI et nous saluons son approche ouverte pour accompagner les changements. J’ai ainsi le plaisir de vous annoncer que j’ai désigné notre consul général à Djeddah, M. Louis Blin, comme notre envoyé spécial auprès de l’OCI, ce qui portera notre représentation au niveau de celle de nos partenaires proches. La France souhaite suivre vos travaux assidûment et accompagner le développement d’une organisation qui a su trouver sa place par le dialogue avec le reste du monde.
Le président de la République sera heureux de confirmer ces orientations nouvelles au secrétaire général de l’OCI, M. IHSANOGLU, que nous souhaitons convier à effectuer une visite à Paris.
Messieurs les Ambassadeurs, Messieurs les Présidents, Chers amis,
Le gouvernement auquel j’appartiens veut que la France reste fidèle à ce qui a toujours fait sa force : être un pays qui promeut les principes universels de la démocratie et des droits de l’Homme dans un esprit de dialogue et d’ouverture au monde.
Dans le monde musulman d’aujourd’hui, je vois bien qu’une partie de l’opinion s’interroge sur l’attitude de la France à l’égard de l’islam, notamment à cause de l’attitude de nos prédécesseurs immédiats. La page est tournée.Notre politique extérieure vise à soutenir les aspirations à la liberté, à la dignité et à la justice des peuples musulmans et, à l’intérieur, notre laïcité républicaine est une chance pour l’islam et non une sanction.
Je vous souhaite à tous un bon mois de Ramadan, en formant le vœu qu’il soit celui de l’amitié et de la confiance entre la France et l’islam.
Notre commentaire
Nous souhaitons et prions Dieu que ces déclarations soient concrétisées et que les musulmans de France saisissent l'occasion pour consolider leurs acquis en France et surtout pour s'entendre, s'unir et oeuvrer pour l'intérêt général de l'Islam et des musulmans de France. Nous souhaitons également que l'OCI s'ouvre plus aux peuples qu'aux institutions politiques car les vrais problèmes de l'Islam se situent au niveau et au sein des masses musulmanes et non au haut sommet politique. Ce discours -le premier du genre que je découvre de la part des autorités françaises- constitue non seulement une grande ouverture pour l'Islam et les musulmans mais surtout se démarque de l'ancienne ligne de conduite politique des autorités françaises envers les musulmans. Mais le temps nous dira tout car on a vu et entendu des discours similaires de la part de certains dirigeants des puissances occidentales à leur début de mandat, des discours qui sont restés dans la plupart des cas lettres mortes ou qui sont carrément contredits par les comportements de ces dirigeants envers les musulmans. Le discours est beau mais seule l'action changera les choses, les visions, les compréhensions et les orientations... Que Dieu fasse que les uns et les autres se comprennent afin que tous les efforts soient tournés vers les vrais problèmes qui menacent l'existence humaine sur terre: la récession économique, la pollution, la dégradation de l'environnement, le réchauffement de la terre, la pauvreté, la famine, les maladies...
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