Une note
de la Law Society sur le respect des règles musulmanes sur l'héritage par la
justice britannique fait polémique. Le modèle de société multiculturelle est
critiqué.
Émoi chez les robes noires. Les règles de la charia
font pour la première fois leur apparition dans le droit britannique. La Law
Society, l'équivalent du barreau, a créé une vive controverse en envoyant,
mi-mars, aux avocats des recommandations afin de rédiger des testaments «charia
compatibles».
«Les suffragettes se retourneraient dans leur tombe »
Caroline Cox, membre de la Chambre des lords
L'organisme de représentation des juristes leur
explique que, selon la charia, la femme n'est pas l'égale de l'homme dans
l'héritage, les mécréants ou héritiers mariés en dehors de la foi musulmane
peuvent en être exclus, ainsi que les enfants illégitimes. Selon la charia, une
femme a droit à la moitié des parts prévues pour un homme. Selon Nicholas Fluck,
président de la Law Society, il s'agit de promouvoir de «bonnes pratiques» dans
la reconnaissance de principes de l'islam dans le cadre du système légal
britannique.
Révélée par le Sunday Telegraph , cette
initiative iconoclaste a suscité une certaine indignation dans les milieux
judiciaires et politiques. La Lawyers Secular Society (Société des avocats
laïcs) condamne ce geste qui «normalise et légitimise» un système
«fondamentalement discriminatoire». Des députés demandent la création d'une
commission d'enquête parlementaire. «Cela viole tout ce que nous représentons.
Les suffragettes se retourneraient dans leur tombe», s'est étranglée Caroline
Cox, membre de la Chambre des lords.
Mais, pour William Healing, avocat spécialiste de la
famille au cabinet Kinglsey Napley, l'affaire fait «beaucoup de bruit pour
rien». «Nous vivons dans un pays où le multiculturalisme fait partie du cadre
politico-social et c'est dans cet esprit que la Law Society a publié des
recommandations afin de répondre à la demande d'une clientèle qui respecte les
préceptes d'une religion. C'est polémique uniquement parce qu'il s'agit de
l'islam, mais il n'y a là aucune incompatibilité avec le droit anglais»,
précise-t-il.
En effet, selon les lois sur la succession
britannique, chacun est libre de donner tous ses biens à qui il veut, «même à
son chat», ironise William Healing, comme de déshériter ceux qu'il souhaite.
C'est ce qui permet la transmission des domaines des familles aristocratiques
aux fils aînés, au détriment des filles.
Une pétition pour «bannir la loi de la charia au
Royaume-Uni»
L'intégration de principes religieux dans le droit
britannique n'est pas nouvelle. Des dispositions sur le divorce compatibles
avec les préceptes juifs prévoyant le consentement de l'époux, ont déjà été
introduites dans les années 1990. Cette polémique n'est pourtant pas anodine.
«La Law Society ne reflète dans ses recommandations
qu'une vision traditionaliste de l'islam, comme si elle était monolithique,
alors que ces règles de succession selon la charia sont souvent contestées et
réformées de par le monde musulman», explique Usama Hassan, de la fondation
Quilliam contre l'extrémisme religieux. Cette affaire soulève aussi la question
de la tolérance britannique pour une justice parallèle au sein de tribunaux de
la charia informels. «Il en existe plusieurs dizaines dans le pays, sans
reconnaissance légale, qui fonctionnent dans le cadre des lois sur l'arbitrage
et la médiation de façon volontaire», poursuit Usama Hassan.
Selon une étude récente, il existerait 85 tribunaux de
ce type. Certains peuvent trancher des litiges civils par des décisions qui ont
valeur légale. Le Conseil de la charia islamique reconnaît qu'il n'est «pas
encore» reconnu par l'État britannique mais se félicite d'avoir «pris les
mesures préparatoires à son objectif final de gagner la confiance des
communautés pour le système légal islamique».
Une pétition pour «bannir la loi de la charia au
Royaume-Uni» a réuni plus de 20.000 signatures. Le gouvernement précise que «si
une décision ou recommandation est contraire à la loi nationale, y compris à la
loi sur l'égalité, la loi nationale prévaut».
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