Message à la nation de S.E.M. Mahamadou
Issoufou, Président de la République, chef de l’Etat, à l’occasion du 56eme
anniversaire de la République
Un discours que je trouve personnellement et particulièrement important car
il appelle au changement des mentalités et des comportements, gage incontournable
de tout développement individuel et collectif. Nous ne pourrons pas réaliser des progrès
significatifs et un développement harmonieux sans changer nos mentalités et nos
comportements par rapport à l’assistanat (mendicité déguisée), au travail, aux
biens publics et surtout par rapport à l’utilisation du temps.
Que Dieu bénisse le Niger, ses autorités et son peuple!
Cheikh Boureima Abdou Daouda
Voici ci-dessous l'intégralité de ce message exceptionnel plein de références islamiques:
NIGERIENS,
NIGERIENNES,
MES
CHERS CONCITOYENS,
Je suis heureux,
en cette veille du 56ème anniversaire de la
République, de dire qu’il sera, désormais, ajouté dans les statistiques
économiques du Niger, aux côtés notamment des infrastructures routières et
énergétiques, une ligne relative au réseau ferroviaire. Notre pays est, on s’en
souvient, le seul de notre sous-région à n’en avoir pas hérité au moment de son
indépendance.
Un des facteurs de la première
révolution industrielle, celle des machines textiles, de la sidérurgie au coke
et de la machine à vapeur, le chemin de fer, développé en Europe entre
1830-1840, permet à lui seul de mesurer l’ampleur de notre retard par rapport
aux sociétés développées: presque deux siècles. Je me suis engagé à combler ce
retard et je me réjouis de ce que, en dépit des difficultés rencontrées,
l’engagement de notre partenaire stratégique en vue de la réalisation de la
boucle ferroviaire, j’ai nommé l’entreprise Bolloré, ne faiblit pas. Je le
félicite et l’encourage. Certes, j’avais souhaité que la ligne ferroviaire
Niamey-Dosso soit inaugurée le 18 Décembre mais, après avoir attendu
l’arrivée du train pendant 80 ans, nous pouvons avoir la patience de l’attendre
encore quelques mois de plus.
Oui, le train nous donne la mesure du
retard enregistré dans nos efforts de développement mais, malheureusement,
ce retard n’est rien à côté de celui que nous enregistrons dans d’autres
secteurs. Il est encore plus prononcé si on tient compte des progrès réalisés
par l’humanité suite à la deuxième révolution industrielle, celle du pétrole et
de l’électricité, puis suite à la troisième révolution industrielle en cours,
celle des nouvelles technologies de l’information, notamment internet.
En effet, des drones et des satellites tournent au-dessus de nos têtes pendant
que nos paysans travaillent péniblement la terre à la houe et à la hilaire.
L’homme a fait ses premiers pas sur la lune depuis une cinquantaine d’années,
alors qu’aujourd’hui encore certains de nos concitoyens n’ont pas accès à
l’alimentation, à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé. Des
sondes, porteuses d’un message symbolique de l’humanité, lancées depuis une
quarantaine d’années, sont aujourd’hui au-delà du système solaire, dans
l’espace interstellaire, alors que le taux d’alphabétisation dans notre pays
est à peine de 30%.
Mes chers Concitoyens,
Le 31 Décembre et le 07 Avril prochains,
à l’occasion respectivement des vœux du nouvel an et du quatrième anniversaire
de mon accession à la magistrature suprême, je ferai respectivement, plaise à
Dieu, le bilan chiffré de l’année 2014 et celui de quatre années de mise en
œuvre du Programme de Renaissance. A ces occasions je reviendrai, dans les
détails, sur les grandes priorités du Programme de Renaissance, c'est-à-dire
sur les questions institutionnelles et sécuritaires, sur les infrastructures,
sur l’initiative 3N, sur les secteurs de l’éducation, de la culture, de la
santé, de l’eau, de l’assainissement et de l’emploi. De ces bilans, je peux
d’ores et déjà l’affirmer, il apparaîtra qu’il y a un secteur où les efforts du
Gouvernement doivent se concentrer davantage si nous voulons avancer plus
rapidement sur la voie du progrès et réduire le fossé abyssal qui nous
sépare des pays développés : le secteur culturel. En effet, les
différentes révolutions industrielles, que le monde a connues jusqu’ici, sont
nées d’évolutions culturelles et institutionnelles qui les ont portées. Le
comportement des hommes et leurs valeurs culturelles ont été le moteur de ces
révolutions. Or, si sur le plan institutionnel des progrès notables ont été enregistrés
avec la vitalité démocratique que connaît notre pays, sur le plan culturel, par
contre, celui-ci s’enfonce dans une situation d’arriération prononcée comme
l’illustrent le recul de l’éthique du travail notamment dans la fonction
publique, le développement d’une mentalité d’assisté, notre rapport avec le
temps, notre comportement par rapport aux biens publics, aux questions
démographiques et à l’école particulièrement s’agissant de la
scolarisation des filles. Pour surmonter ces obstacles il faut, sans tarder, créer
les conditions d’une profonde rupture et d’une renaissance culturelles qui
passent par une révision de certaines de nos valeurs sociales.
Mes
chers Concitoyens,
La mentalité dominante dans notre
pays est celle d’une société d’autoconsommation, d’une société de subsistance.
Cette mentalité ne correspond pas au stade de développement auquel nous souhaitons
hisser notre pays, celui d’une économie marchande en voie de développement,
celui d’un pays à revenus intermédiaires, voire d’une économie émergente.
Cela se voit dans notre rapport à l’assistanat et à la solidarité, qu’ils
soient le fait de la cellule familiale ou de l’Etat. Ainsi, alors que dans les
économies développées l’assistanat, notamment la charité, est vécu comme une
humiliation par le bénéficiaire, dans notre société il est considéré comme un
dû. Ainsi en est-il de la solidarité : preuve du visage humain hérité des
sociétés traditionnelles, elle devient un frein au progrès si elle est perçue comme
une rente viagère qui dispense de vivre à la sueur de son front.
Cela se voit, également, dans
notre rapport au travail. C’est bien connu, dans les sociétés
développées, le travail est perçu comme une des conditions de la liberté. Il y est perçu,
non seulement comme un droit, mais surtout comme un devoir, comme une voie de
salut. Dans ces sociétés, c’est par le travail que l’homme s’accomplit,
s’anoblit, assure sa dignité et devient responsable. C’est pourquoi quand on a
la chance d’y avoir un emploi on fait tout pour mériter de le conserver et
quand on n’en a pas on fait tout pour en trouver. Par contre, dans notre
société on constate un comportement inverse: complaisance dans l’oisiveté
d’un côté, absentéisme, manque de conscience professionnelle de l’autre. Ainsi
beaucoup de nos compatriotes sans emploi ne se considèrent pas comme des
chômeurs et vivent comme si leur situation est normale car la notion de chômage
n’existe pas dans les sociétés de subsistance.
Il revient au Gouvernement de
poursuivre et de renforcer les actions déjà engagées afin de créer les
conditions d’une rupture totale d’avec les comportements propres aux sociétés
d’autoconsommation. Le Gouvernement doit amener nos compatriotes à tourner le
dos à l’assistanat, à la charité et au parasitisme. Il doit créer les
conditions d’une rupture d’avec la mentalité d’assisté sous toutes ses formes.
Il doit continuer à insuffler à nos compatriotes une volonté de combattre
l’oisiveté. Il doit leur insuffler l’amour du travail, du travail bien fait.
C’est par le travail que les sociétés occidentales se sont développées, ce
n’est que par le travail que notre pays atteindra les objectifs du programme de
renaissance. D’ailleurs, n’est- ce pas au travail que nous invite notre Prophète
(paix et salut sur lui), quand, après avoir questionné quelqu’un qui lui
demandait de l’argent en aumône, il lui ordonna de vendre la couverture
et le récipient à boire qu’il possède, de nourrir sa famille avec une partie du
produit de la vente et d’acheter une hache avec la partie restante pour couper
et vendre du bois afin de disposer d’un revenu régulier tout en insistant sur
le fait que «Cela est beaucoup mieux que la mendicité qui va être
une marque sur ton visage le jour de la résurrection»? «Chaque
fois qu’un serviteur ouvre une porte de mendicité, Dieu lui ouvre une porte de
pauvreté», «Parmi les péchés, il en est qui ne peuvent être expiés que
par le travail», «La main haute est mieux que la main basse; la main haute est
celle qui donne, la main basse est celle qui reçoit», disait le Prophète qui a toujours conseillé aux hommes capables de
travailler, de ne pas mendier, afin de préserver leur honneur et leur dignité.
Le travail, c’est la rédemption. Le devoir de travailler vient juste
après celui de la prière car il est dit dans le Coran: «Lorsque la
prière est achevée, dispersez-vous sur terre, recherchez la grâce d’Allah
…. » c'est-à-dire recherchez les moyens de subvenir à vos besoins. C’est
l’esprit de l’initiative 3N qui cherche à substituer l’aide à la production à
l’aide humanitaire d’urgence. C’est le sens du combat du Gouvernement pour
accroître la productivité du travail dans l’administration. Le travail, ne
l’oublions jamais, est un acte d’adoration et de combat dans la voie de Dieu. Puisons
donc dans nos valeurs islamiques les ressources morales de notre
développement comme d’autres l’ont fait. Pour citer un exemple, à partir du
protestantisme, il est interdit de rester oisif et de se contenter de dire
« mon Dieu donne-moi ». Le ciel ne nous viendra en aide que dans la
mesure où nous nous aidons nous-mêmes. Le prophète David n’était-il pas
forgeron, le prophète Noé menuisier et le prophète Zacharie charpentier? Ils ne
se sont pas contentés de prier et de dire «Dieu donne-moi». Ils ont à la fois
prié et travaillé. C’est dire que nous avons le devoir d’utiliser la
raison et l’action pour réaliser nos objectifs de développement. La
mystique du travail, tel doit être notre credo. C’est, dit-on, par le travail
de ses mains et de son cerveau que l’homme accomplit son destin. C’est par le
travail que l’homme se réalise.
Mes chers Concitoyens,
Dans mon discours d’investiture, prononcé le 07 Avril 2011, je disais, en
parlant de l’aide que j’attends de vous: «Le changement de comportement
est la principale aide que j’attends de tous: changement de comportement dans
la gestion du temps qui est la ressource la plus gaspillée dans notre pays,
changement de comportement par rapport au travail, changement de comportement dans
le rapport avec les biens publics, etc… Nous devons lutter contre les
forces de l’habitude et faire l’effort de nous changer nous-mêmes….. Dieu a
dit: «En vérité, Allah ne modifie point l'état
d'un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui
est en eux-mêmes» c’est-à-dire «Je ne change pas un peuple tant qu’il ne se change pas lui-même». Nous
devons donc changer nos comportements si nous voulons changer nos conditions de
vie». Je viens de dire que nous n’avons pas suffisamment progressé dans notre
comportement par rapport au travail. Qu’en est-il par rapport au temps et par
rapport aux biens publics? Je disais, dans mon discours d’investiture, que le
temps est la ressource que nous gaspillons le plus. «Ayant toujours du mal à
entrer dans une culture de production, l’Afrique n’attache aucune valeur au
temps. Des comportements irrationnels, laxistes….sont justifiés par une
référence à ce qu’il est convenu d’appeler l’heure africaine». Cette citation
exprime avec d’autres mots ce que j’ai voulu dire. Le Programme de Renaissance
comporte des objectifs clairs pour le développement économique et social de
notre pays. Or, le temps du développement n’est ni celui de la nonchalance, ni
celui de l’immobilisme, ni celui de l’insouciance. Le temps du développement
c’est celui de la ponctualité au travail, c’est celui de l’utilisation optimale
du temps, c’est celui de zéro instance. Nous sommes loin encore de cette
conception du temps. Dans les Ministères, les dossiers s’entassent parce
que traités avec lenteur et insouciance. Les taux de consommation de crédit
sont faibles alors qu’il nous faut davantage d’écoles, de points d’eau, de
centres de santé, de routes, de logements sociaux, d’électricité et de produits
agro-pastoraux. Notre classement s’est dégradé dans le domaine du climat des
affaires parce que nous n’avons pas fait certaines réformes à temps. Nous
devons donc changer notre rapport au temps. Il nous faudra engager ici
encore une rude bataille culturelle qui, je le sais, sera de longue haleine. Je
sais que le Gouvernement s’attèle à remettre les agents de l’Etat au
travail. Je sais qu’il s’est fixé pour objectif de mettre fin à
l’absentéisme. Je sais qu’il s’est fixé pour objectif la ponctualité et au
moins huit (08) heures de temps de travail effectif par jour, mais les
résultats sont encore faibles. Il doit donc faire davantage pour augmenter la
productivité au sein des administrations, pour accélérer notamment la
consommation des crédits et le climat des affaires. Le Gouvernement doit, de
manière générale concevoir un programme de sensibilisation et d’éducation de
masse pour inculquer aux citoyens l’utilisation optimale du temps, pour
leur inculquer une culture de développement, une culture de production et donc
de progrès.
Mes chers Concitoyens,
Notre rapport au travail et notre rapport au temps ne sont pas les seuls sujets
de préoccupation dans notre quête de progrès économique et social. Les comportements
par rapport aux biens publics, aux questions de transition démographique
et à l’école constituent d’autres contraintes. Depuis bientôt quatre (4) ans,
le Gouvernement s’efforce d’améliorer la gouvernance politique et
économique du pays. En particulier, grâce aux actions de la Haute Autorité de
Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), notre pays
est passé entre 2011 et 2014, du 134ème au 103ème rang dans le classement mondial de l’indice
de perception de la corruption publié chaque année par l’ONG Transparency. Nous
pouvons donc nous féliciter des progrès relatifs réalisés mais nous ne
devons pas nous en contenter. En effet, nous n’avons toujours pas atteint nos
objectifs de rétablissement total du monopole fiscal de l’Etat et d’une
efficacité optimale de la dépense publique. Le Gouvernement doit redoubler
d’effort et ici encore l’obstacle majeur c’est la force de l’habitude, c’est le
rapport aux biens publics. Le Gouvernement doit s’attaquer à la conception que
notre société a des biens publics, conception selon laquelle ces biens,
appartenant à tout le monde, n’appartiennent à personne. La même
conception considère qu’il faut se servir au lieu de servir. De cette
conception, il découle de graves conséquences: absence du respect des biens
publics se traduisant par l’absence de leur entretien, détournement des biens
publics, notamment des deniers publics, creusement des inégalités et
accroissement de la pauvreté. Le Gouvernement doit donc poursuivre le combat
contre la fraude et la corruption dans l’administration fiscale et dans
l’attribution des marchés publics. «Que celui d’entre vous
qui voit le mal le change de ses mains. S’il ne le peut pas, qu’il le fasse par
sa langue et si cela lui est impossible qu’il le fasse dans son cœur, ce qui
est le minimum que lui impose la foi», dit le hadith. C’est
dire que, au-delà du Gouvernement, c’est la société toute entière qui doit se
mobiliser pour faire face au fléau de la corruption. Avec l’installation de la
ligne verte, le Gouvernement offre à chaque citoyen la possibilité de
participer à ce combat salutaire pour notre développement économique et social.
Mes chers Concitoyens,
La
question de la transition démographique fait partie des défis majeurs auxquels
est confrontée notre société. J’ai eu, à maintes occasions, à intervenir sur ce
sujet brûlant. Face à cette question, on retrouve le même obstacle, celui de la
rigidité de nos mentalités, celui de l’ignorance des préceptes religieux. «Vous
êtes tous des bergers et tout berger est responsable de son troupeau». «Il
suffit à l’homme comme péché d’abandonner ceux dont il a la charge». C’est en ayant à l’esprit ces hadiths que j’avais déclaré devant les cadres
de commandement, à Maradi, en Avril dernier, que nous avons le devoir de
procréer avec responsabilité, c'est-à-dire le devoir de faire des enfants que
nous pouvons nourrir, éduquer et soigner. Notre pays a le taux de fécondé
le plus élevé au monde. Plus grave, une enquête récente révèle que le
nombre d’enfants désirés, aussi bien par les femmes que par les hommes, est
supérieur au taux de fécondité. Ne nous voilons pas la face, nous devons créer,
comme c’est le cas dans beaucoup de pays musulmans, notamment arabes, les
conditions de la transition démographique. Notre pays doit chercher à
bénéficier du dividende démographique qui est l’union de la transition
démographique et du développement durable. Je félicite le Gouvernement, les
leaders traditionnels et religieux ainsi que les partenaires au développement
pour les efforts consentis dans ce domaine. Je les encourage à poursuivre le
combat. En particulier, je les encourage à continuer la sensibilisation contre
les mariages précoces et pour le maintien de nos enfants à l’école, notamment
les jeunes filles, au moins jusqu’à l’âge de 16 ans conformément aux promesses du
Programme de Renaissance.
Mes Chers Concitoyens,
Le
Gouvernement, depuis quatre ans, a obtenu beaucoup de succès dans la mise en
œuvre du Programme de Renaissance. J’en ferai, comme je l’ai déjà dit, le bilan
détaillé à d’autres occasions. Ces succès doivent être amplifiés. Pour y
arriver il nous faudra une superstructure culturelle rénovée, un socle culturel
assaini, capable de porter nos ambitions. Une rupture mentale s’impose. Je
voudrais que le signal de cette rupture parte de la cité des Djermakoye, de
Dosso qui accueille cette année la fête tournante de la République, Dosso qui a
bénéficié d’investissements importants dans le cadre du programme Dosso Sogha.
Ce signal de rupture que j’attends de Dosso, c’est l’entretien et la protection
des infrastructures coûteuses réalisées, par le Gouvernement, au bénéfice de sa
population. La prochaine fête de la République, je le confirme, se déroulera,
plaise à Dieu, à Maradi. Le Gouvernement prendra toutes les dispositions pour que
le programme Maradi Koliya démarre sans tarder. Joyeuse fête de la République à
toutes et à tous.
JE VOUS REMERCIE!
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